Je suis rousse, c'est la première chose qui marque quand on me rencontre pour la première fois. J'ai hérité ça de mon père manifestement, puisque ma mère est blonde avec des oreilles blanches. Ils m'arrivent presque au bas des fesses, raison pour laquelle je préfère, en grande généralité, les natter pour qu'ils ne me gênent pas dans mes tâches de servante. Mes yeux sont plutôt grands et d'un marron assez clair, ils pourraient presque laisser penser qu'ils sont exactement de la même couleur que mes cheveux. C'est faux évidemment, mais à l'ombre on ne le remarque pas.
Mes oreilles tout comme ma queue féline sont d'un noir de jais, ce qui, manifestement, va assez bien avec la couleur feu de ma chevelure. D'ailleurs, à cause de ça, je préfère bien souvent me vêtir de robe sombre et sobre. C'est le seul inconvenant d'avoir des cheveux si voyant.

Je ne suis pas très grande, un mètre soixante-deux et, ne pèse une cinquantaine de kilo. Ma peau est claire, une peau de rousse. Je ne prends jamais le soleil, même quand j'y reste des heures et, tout au mieux, je rougis comme une écrevisse. Dit comme ça, cela peut paraitre drôle, mais ça l'est beaucoup moins quand ça m'arrive. J'évite donc de rester au soleil et recherche bien souvent la douce fraicheur que peut m'apporter les feuillages d'un arbre ou les pièces d'une maison.
Je ne suis pas vraiment taillée pour l'effort physique et, même je ne remets jamais un ordre en question, je connais mes limites. Si je ne peux pas le faire, je ne me forcerais pas. Croyez-vous vraiment que je suis capable de couper du bois ? Étendre du linge, je veux bien, mais tenir une hache...

J'ai une jolie voix, c'est un fait. Ma mère disait toujours que c'était mon plus joli trésor, quel dommage que je sois incapable de m'en servir en public. Pourtant, je chante bien, même s'il y a peu de chance que vous m'entendiez un jour le faire devant vous.
C'est peut-être parce que c'est mon plus grand trésor, que je le cache aussi bien.

Certains se cache derrières de belles paroles, d'autre derrière de magnifiques sourires, certains préfèrent utiliser la violence, même. Moi, j'ai choisi le silence. Quand on s'y habitue, le silence à quelque chose de rassurant, vous ne trouvez pas ? Il ne change jamais et en aucun cas, ne peut vous trahir. C'est peut-être pour ça que je ne parle plus, la peur... Étrange, je n'ai pourtant pas l'impression qu'elle est si forte en moi. Je ne tremble pas et je peux même sourire, seulement, je n'arrive pas à parler.
J'ai beau cherché dans ma mémoire, je n'arrive pas à comprendre d'où vient mon problème, peut-être qu'il est naturel, peut-être que j'ai un défaut de naissance, comme une machine qu'on aurait mal construite ? Pourtant, j'arrive à parler, quand je suis seule, ou quand ma mère est là. Sauf que désormais elle ne sera plus jamais là.

La foule aussi m'effraie, surement cet afflux soudain d'humain qui me met mal à l'aise. Quand c'est comme ça, je me bouche les oreilles pour n'entendre plus que moi et, je chante. Je n'éprouve aucune difficulté à chanter, au contraire, je trouve le timbre de ma voix rassurant, mais pour ça il faut que je ferme les yeux, avant, pour me convaincre qu'il n'y a personne autour de moi. Ce n'est pas dur de faire abstraction des autres pour quelqu'un d'aussi rêveuse que moi, je fais ça depuis toute petite et à chaque fois, j'imagine la même chose.
J'imagine un ciel sans fin et une mer sans limite. Je me vois, en plein milieu, avec personne à l'horizon, il n'y a rien d'autre que le bruit du vent qui souffle doucement et je laisse ma voix emplir les lieux, résonner sur cette mer sans poisson, dans ce ciel sans oiseau. Je suis seule et nulle part. Je me sens étrangement sereine. Ici, il n'y a pas d'humain, je suis libre. J'ai l'impression qu'il n'y a plus ce monde si dur qui m'attend quand j'ouvrirais de nouveau les yeux.
Car le plus dur ce n'est pas de s'évader, mais plutôt de revenir.

Je n'ai jamais été libre, toute ma vie, je n'ai connue que l'esclavage et la tyrannie des humains, cependant, je suis née dans des conditions presque enviables et, même si j'ai appris à obéir dès mon plus jeune âges, j'ai aussi appris à être libre, par la pensée. Ma mère disait toujours qu'ils peuvent tout nous enlever, mais pas notre libre arbitre. S'il y a bien un endroit où nous resterons toujours libre, c'est dans notre esprit. Aujourd'hui, je sais que c'est faux pour avoir rencontré des nekos complètement conditionné à l'obéissance, mais dans un sens et, égoïstement, je suis contente que ce ne soit pas mon cas.

Très jeune, ma mère remarqua un problème chez moi : Dès que je parlais en présence d'inconnu, je me mettais à bafouiller ou refusais tout simplement de m'exprimer. Ce n'est pas vraiment gênant de ne pas parler en présence d'humain, après tout, qui s'attend à ce que son hybride parle ? Les choses se compliquèrent quand je deviens tout bonnement incapable d’émettre un son sans la présence d'une personne rassurante, tel que ma mère. Petit à petit, mon petit problème devient un handicape des plus gênant et, à l'âge de seize ans, je ne parlais tout simplement plus.
Manque de confiance ? Peur ? Je n'ai toujours pas la réponse à ma question, mais mon maitre prit vite cela pour de l'insubordination, pensant que je me moquais de lui, puisque je parlais très bien à ma mère.
J'aurais aimé dire que non, mais à force de n'avoir aucune réponse, j'en suis venue à me poser la question. Est si c'était le cas ? Et si simplement, c'était la façon dont mon corps exprimait la rébellion de mon esprit ? Que ce soit cela ou non, cela agaça au plus au point mon propriétaire et, quand la violence ne suffit plus à calmer sa colère, il décida tout bonnement de me vendre. Cela vous étonne ? Après tout nous ne somme que marchandise et, qu'est-ce que cela coute d'en vendre une pour en acheter une autre? Quand un jouet est cassé, on le change, c'est ainsi.

Ce qui m'a fait le plus mal, ce n'est pas vraiment le rejet de notre maitre, je n'éprouvais, à vrai dire, aucune sympathie pour lui. Non, ce qui m'attristait le plus, c'était d'être ainsi séparée de ma mère. Des histoires comme la mienne on en entend surement des centaines, mais ça ne change rien à douleur qu'on éprouve. Mais qui en a quelque chose à faire, de la souffrance d'une esclave ?